Téhéran 1978 : Marjane, 8 ans, songe à l’avenir et se rêve en prophète sauvant le monde. Choyée par des parents cultivés, liée à sa grand-mère, elle suit les évènements qui vont provoquer la chute du régime du Chah. Bientôt, la guerre contre l’Irak entraîne disparitions de proches. Dans un contexte de plus en plus pénible, sa langue bien pendue et ses positions rebelles deviennent problématiques. Ses parents décident alors de l’envoyer en Autriche pour la protéger…

Pays : France
Réalisateur : Vincent Paronnaud et Marjane Satrapi
Année de sortie : 2007
Distribution :
Voix de : Chiara Mastroianni (Marjane adulte et adolescente), Catherine Deneuve (mère de Marjane), Danielle Darrieux (grand-mère de Marjane), Simon Abkarian (père de Marjane), Gabrielle Lopes Benites (Marjane enfant)
Genre : Film d’animation
Durée : 1h35
Age recommandé : à partir de 12 ans
Public : tout
Niveau de difficulté culturelle (de 0 à 5) : 3 car c’est vraiment un film avec un discours d’adulte et en noir et blanc (mis à part quelques rares instants qui marquent la période contemporaine)
Contexte historique : situation en Iran de 1978 à nos jours
Principaux thèmes traités : Iran, guerre, séparation homme-femme, enfance, adolescence,
L’Iran bien sûr
Nul doute qu’une des grandes curiosités de ce film réside dans la description de la vie quotidienne en Iran et des différents bouleversements historiques vécus depuis la chute du Shah en 1978.
Même si l’histoire se termine en 1994, date du retour définitif de Marjane Satrapi, nous avons l’impression de vivre dans l’Iran d’aujourd’hui. Nous disposons encore maintenant de peu d’images non filtrées par les autorités et c’est paradoxalement sous la forme d’un film d’animation, lui même tiré d’une bande-dessinée de 4 tomes, que nous en découvrons avec effroi les conditions de vie et le climat de tension quotidien.
Nous ne sommes plus en 1994 certes, mais on imagine assez facilement que la situation n’a pas beaucoup évolué et que de nombreux ingrédients d’un régime tyrannique sont encore aujourd’hui réunis :
– pas de liberté d’expression (lorsque Marjane intervient pendant le cours d’éducation religieuse et déclare qu’il y a à présent trois cent mille prisonniers politiques en Iran)
– emprisonnement et assassinat des opposants au régime (oncle de Marjane)
– atteinte à la vie privée (surveillance permanente des citoyens par les Gardiens de la Révolution)
– port du voile obligatoire …
Le regard critique et totalement farfelu de Marjane permet de sortir des clichés véhiculés aussi bien par l’œil occidental que par l’œil iranien : non, tous les iraniens ne manifestent pas continuellement contre l’invasion du monde occidental et ne voient pas chacun de nous comme des diables incarnés ; ils peuvent même être évolués, cultivés et …démocrates.
Tout ceci est formidablement intéressant à montrer aux enfants et le découvrir avec eux est le garant de discussions agitées après la projection. Le ton mélangeant à la fois humour (lorsque Marjane enfant « futur et dernier prophète de la galaxie », parodie la chanson de Rocky « Eye of the Tiger »), retenue et émotion réussit à capter l’attention des plus récalcitrants. Les dessins, aux accents d’expressionisme allemand et étudiés à partir des gravures de Félix Vallotton, sont d’une esthétique et d’une poésie rares.
Le film n’est bien évidemment pas sorti en Iran ; la république islamique d’Iran s’est inquiétée de la sélection de ce film au Festival de Cannes de 2007, présentant ce qu’elle estime être « un tableau irréel des conséquences et des réussites de la révolution islamique » et en a diffusé une version censurée. Il a été interdit dans de nombreux pays, notamment au Liban, sans qu’aucune explication n’ait été donnée.
Ainsi qu’un film totalement universel…
Même si le contexte historique est particulier, c’est également l’intériorité d’une adolescente qui est décrite dans ce film. Bien évidemment la situation spécifique de Marjane provoquera ou intensifiera les émotions notamment par l’éloignement de sa famille et son isolement lors de son séjour à Vienne.
Néanmoins, Persépolis est également une poignante histoire de mal-être vécue par une jeune fille, comme peut l’être celle de nombreux adolescents du monde entier.
Que ce soit dans ses états d’âme , ses craintes, ses amitiés et ses amours, ses coups de cœur et ses élans d’espoir, la consommation de substances illicites, le profil type de l’adolescent y est décrit assez précisément. La période viennoise avec l’épisode de la subite croissance de Marjane, ainsi que celle qui est faite de la bande de « nihilistes » n’est pas si éloignée de nombre de situations que connaissent les parents de nos « sociétés dites civilisées ». Même la grands-mère chez qui Marjane aime se réfugier nous parait familière, « l’odeur de jasmin » en moins…..
Ne nous fions pas aux apparences ; même si l’histoire commence par le récit d’une petite fille, le discours est celui d’un adulte, c’est pourquoi ce film n’est résolument pas conseillé avant, 12-13 ans. Ce n’est pas tant les scènes de guerre ou de violence qui sont les plus choquantes mais plus celles qui montrent l’état de dépression et de vide dans lesquels se trouve la jeune femme.
Je laisserai les dernier mot à Chiara Mastroianni, la « voix principale » : « C’est vraiment un récit universel, car perdre un membre de sa famille, chercher son identité, c’est propre à tous. À certains moments, on oublie même qu’il s’agit d’un film d’animation en noir et blanc grâce à l’originalité des dialogues. En fait, ça ne ressemble en rien à ce qui se fait. »
Mes p’tits trucs à moi
- « qu’est-ce qu’ils fument dans ce film ! Vous avez vu les enfants ce que deviennent les fumeurs : ils ne peuvent plus s’arrêter et sortent une cigarette dès qu’ils sont tristes », mais … c’est un peu « gros » quand même !
- Montrer que l’état de l’adolescence est universel : même s’il est critique chez Marjane en raison des circonstances, il est proche de celui que peut ressentir chacun. Cela permet de les rassurer, en quelque sorte, sur l’étrangeté des émotions ou réactions qu’ils adoptent….
Précautions à prendre
« Bref » rappel d’histoire contemporaine au Moyen-Orient
Ils fument beaucoup de substances illicites
Si vous avez aimé un film d’animation pour adulte, vous pouvez voir…
« Valse avec Bachir » d’Ari Folman (2008), « les triplettes de Belleville » de Sylvain Chomet (2002).
Dans le registre « la guerre n’est pas si loin que cela » :,
La déchirure de Roland Joffé (1984)