La vie est belle (it’s a wonderful life)

En cette nuit de Noël 1945, le décès du père de George Bailey l’oblige a reprendre l’entreprise familiale de prêts à la construction, qui permet aux plus déshérités de se loger. Il entre en conflit avec Potter, l’homme le plus riche de la ville, qui tente de ruiner ses efforts. Au moment où George approche de la victoire, il égare les 8.000 dollars qu’il devait déposer en banque. George est désespéré et songe au suicide. C’est alors qu’apparaît son ange gardien.

Réalisateur : Frank Capra / Pays : Etats-Unis/ Année de sortie : 1946

3760054362642Distribution : James Stewart (George Bailey), Donna Reed (Mary Hatch Bailey), Lionel Barrymore (Mr. Potter), Thomas Mitchell (oncle Billy), Henry Travers (Clarence), Beulah Bondi (Ma Bailey), Frank Faylen (Ernie Bishop). Genre : Drame/ Durée : 2h10/ Age recommandé : à partir de 7-8 ans Public : filles comme garçons

Niveau de difficulté culturelle   (de 0 à 5) : 1 (uniquement pour le noir et blanc)

Contexte historique : le lendemain de la guerre

Principaux thèmes traités : Solidarité, Humanité, Responsabilité, Destin, Amour,  Foi, Noël, Rêve américain, Espoir

 

Alors bien sûr, « la vie est belle » est en première analyse l’archétype du film de « l’âge d’or du cinéma américain »,. C’est sans aucun doute un grand classique, vantant les mérites de « l’American Way of Life », avec un « happy end » auquel on s’attend depuis le début.

La preuve en est que, malgré son échec commercial à sa sortie en 1946, c’est aujourd’hui un film culte, diffusé en boucle sur toutes les chaînes de télévision au moment des fêtes de Noël.

On est en plein manichéisme : contre toute attente, les gentils, pauvres et généreux, sont ….gentils, les méchants ….méchants. Donna Reed, la femme de James Steward est caricaturale à souhait. On frôle parfois la mièvrerie et le poncif.

Les messages principaux sont simples et ne sont pas sans rappeler les préceptes de la messe du dimanche (ou autres) :

  • on est toujours récompensé du bien que l’on fait ;
  • la solidarité et l’amour sont les premières des valeurs ;
  • les choses de la vie peuvent se retourner très vite, et indirectement il faut savoir profiter du moment présent ;
  • il ne faut jamais désespérer car il y a toujours quelqu’un qui vous protège quelque part et vous tire d’un mauvais pas.
  • Tous ces messages empreints de morale ne peuvent que faire du bien aux enfants. Et puis, les « happy end », cela a quand même du bon. La fin du film est un véritable feu d’artifice de soulagements et de joies. Personnellement, à chaque fois, je fonds en larmes, sous le regard inquiet de mes petits, qui ne comprennent pas encore que l’on puisse pleurer de joie.

Les plus jeunes s’arrêteront peut-être là….et s’ils sont jeunes, pas besoin d’aller plus loin.

Mais évidemment, la « vie est belle », c’est beaucoup plus ça.

Il y a un deuxième niveau de lecture et c’est ce qui en fait toute sa force par rapport aux autres chefs d’œuvre du cinéma américain des années cinquante.. Ce deuxième niveau sera accessible assez vite aux enfants, contrairement à ce que l’on peut croire.

Tout d’abord, au-delà du tableau angélique de la famille et de l’amour du prochain, la critique de la vie provinciale et de son étroitesse est acerbe. Les trois quart du film reflètent une vision noire et pessimiste de la réalité. James Stewart, somptueux dans son jeu d’acteur, est un dépressif au bout du rouleau et au bord du suicide, ce qui à l’époque est assez provocateur car le sujet était encore plus tabou que de nos jours. La scène où les épargnants veulent retirer leur argent au détriment de George Bailey, qui s’est saigné pour eux, n’est pas à la gloire de l’humanité ni du capitalisme, pourtant fondateur du « mythe américain » du self-made man. La personnalité même de l’ange Clarence est atypique, ange de seconde zone, tendance loser car il n’a même pas encore ses ailes, donne une image peu conformiste de l’au-delà…

Le message central du film est plus original qu’il n’y paraît et riche d’enseignements pour les enfants: il y a un fort déterminisme social et un principe de responsabilité que l’on  ne peut négliger ; plus que l’histoire d’un individu, c’est l’histoire d’un individu relié, au sein de la communauté où elle se déroule, à tous les autres individus de cette communauté. Comme il est dit : « la vie de chaque homme est reliée à toutes les autres ». Les actes des uns ne sont pas sans conséquence sur ceux des autres ; la scène mythique où Clarence fait revivre à George Bailey, les instants d’une vie dans  un monde où il ne serait pas né, en est une illustration magnifique. La démonstration par Capra ne peut être qu’éclairante pour des enfants.

Enfin, c’est surtout un film d’une féerique poésie. L’ambiance de Noël sous la neige y est sûrement pour quelque chose, mais il y aussi tous les clins d’œil farfelus et subtils tels que le tintement de sonnerie, signe « qu’un ange a gagné ses ailes » et cette phrase finale extraite de Tom Sawyer, d’ailleurs référence pour enfants: « celui qui a des amis, n’est pas un raté ».

Mes trucs à moi

– à l’occasion d’un chagrin ou d’un moment de découragement d’un enfant, on peut facilement jouer au jeu « qu’est-ce que la vie aurait été sans toi ? »

– quand on entend un tintement de clochette, le premier qui dit « tiens, un ange a gagné ses ailes » a gagné,

– le film présente une image de la dépression, image d’un surmenage, d’un acharnement du sort….cela peut-être utile pour évoquer, si on le souhaite, cette maladie fréquente, souvent incompréhensible des petits comme des grands,

– à la suite du film, j’ai insisté surtout sur la fantaisie et l’originalité des différentes scènes, plus que les traditionnelles leçons de morale. Ce sont  finalement les enfants qui d’eux-mêmes en ont le plus parlé…. j’ai alors jubilé en silence….c’était le monde à l’envers… les enfants faisaient la leçon aux grands : quoi de mieux pour vérifier que les « bases » sont acquises ?

Précautions à prendre Aucune, si ce n’est arriver à convaincre que ce n’est pas parce que c’est en noir et blanc que c’est ringard.

Si vous avez aimé, vous pouvez voir…« Vous ne l’emporterez pas avec vous » de Franck Capra(1938)

Surtout ne pas confondre avec « La vie est belle » de Roberto Benigni (1997) dans un registre très différent et plus compliqué pour les enfants.Dans le registre « les anges et démons » : « la beauté du diable » de René Clair (1950), le ciel peut attendre d’Ernst Lubitsch (1943).Ballades cinématographiques ou parcours initiatiques sur thème de l’American Way of Life  : « Little Big Man » d’Arthur Penn 1970),  « Do the right » Thing de Spike Lee (1989).

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